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16.00

Vidar sirotait le verre de rhum que le vieux loup de mer lui avait, comme à son habitude, servi à son insu. Les vapeurs de l’eau-de-vie lui montaient progressivement à la tête et réorganisaient avec bonheur le chantier de ses idées. Il fixa le plafond. Il riait intérieurement en pensant qu’au-dessus de son ravissant salon, il n’y avait qu’un tas de pierres qui faisait fuir les corbeaux. Au delà du crime atroce de l’avortement de masse, il considéra cet immonde et immense gâchis. Son esprit, bercé par les molécules câlines de l’alcool, se plut à imaginer ce qu’il ferait lui, s’il pouvait arracher tous ces petits êtres à leur funeste sort. Il réconcilierait Sparte et Athènes… des corps d’hoplite… des âmes de poète… tout à coup, Vidar se leva avec fracas. Sa chaise tomba à la renverse et son verre vide se brisa sur le sol. Il fit signe à Rocaboy de se mettre en route pour l’aéroport et partit sans un bagage pour New-York.

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Extraits

Lucien traversa plusieurs plafonds en direction de la surface. Il vit une salle de classe. Le jeune professeur de latin qu’il avait eu en terminale avait des rides et une grande barbe blanche. Il donnait un cours de tactique militaire romaine à une trentaine de jeunes gens attentifs et disciplinés. Lucien entra ensuite dans un immense amphithéâtre où le Prince de Mortemine était en train de faire un discours devant une assemblée d’hommes de femmes tirés à quatre épingles :
« Avec Ipogépolis, nous avons concilié l’eugénisme et la morale. Nous avons concilié la sélection naturelle du plus fort et la défense du plus faible. En un mot, avec Ipogépolis nous avons concilié la réalité de la matière et la vérité de l’esprit. Pourquoi ? Parce que rien ne se fait sans force et que rien de grand ne se fait sans justice. Là-haut, nous n’étions que quelques étincelles, mais des étincelles stériles puisqu’il n’y avait plus de bois à embraser. Vous l’avez compris mes chers amis, aucune évolution positive de la société n’était physiquement possible là-haut. À part de minimes exceptions dont vous êtes, personne ne souhaite de grands changements. Pourquoi ? Parce que s’ils ont encore des besoins, s’ils ont encore des bribes de désirs, les hommes de là-haut n’ont plus aucune volonté. Et la volonté, vous le savez mes chers amis, c’est comme la foi, ça ne se décrète pas. Si d’aventure des Français et plus largement des Européens, étaient prêts à combattre pour reprendre le contrôle de leur destinée, ils ne trouveraient aucun chef valable pour déposer les traîtres et repousser l’ennemi. Le poisson pourrit par la tête. La pourriture dirige nos vies et empeste le pays. Ne faut-il que constater que la France est une plaie profonde et béante, beaucoup de beaux esprits veulent bien l’admettre. Est-il besoin de nettoyer et de désinfecter, l’on ne rencontre plus personne pour s’y mettre. Divine ironie de l’Histoire, où avons-nous trouvé cette volonté invincible de vivre, cette volonté qui va tout renverser sur son passage ? Cette volonté, nous l’avons ramassée dans les poubelles de nos hôpitaux. À l’abandon, elle barbotait dans les déchets… »

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  1. BP

    Une histoire incroyable, une écriture sublime. J’ai dévoré le livre d’une traite, impossible de m’endormir avant de l’avoir fini. Un roman révolutionnaire !
    Merci infiniment Monsieur Guérin. Je m’en vais de ce pas découvrir le reste de votre oeuvre.

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